Organiser une classe bleue en Seine-Maritime.
L’enseignement de la natation à l’école, dans le cadre des enseignements de l’éducation physique et sportive (EPS), est un continuum scolaire qui s’étend du cycle 1 au lycée.
Ce continuum d’acquisitions est particulièrement visé « pour les enfants de moins de sept ans » (Note de service du 28-2-2022, Contribution de l’école à l’aisance aquatique). C’est donc au cycle 1, que nous pourrons favoriser les premières acquisitions de compétences dans le but d’obtenir l’attestation du savoir-nager en sécurité (ASNS) durant le cycle 3.
Un obstacle majeur aux premières acquisitions dans l’activité natation, à travers les compétences du deuxième champ d’apprentissage des programmes d’EPS des cycles 2 et 3 (adapter ses déplacements à des environnements variés, Programmes EPS BO du 31 juillet 2020), est de nature émotionnelle. Ce type d’obstacle est identifié par Bui-Xuân dès 1993 dans le cadre d’une approche conative de modélisation du procès pédagogique (Enseigner l’éducation physique et sportive). L’apprentissage de la natation dès le cycle 1 favorise le dépassement de cet obstacle, afin de développer ce que Damasio (L’erreur de Descartes, 1995) appelle des marqueurs somatiques positifs. La perception des émotions liées à l’activité et le vécu d’expériences positives sont des facteurs pouvant influencer les apprentissages à long terme. Le continuum d’acquisition s’en trouve ainsi consolidé et les élèves semblent ainsi pouvoir développer des compétences psycho-sociales de connaissance et d’estime de soi (Instruction interministérielle du 19 août 2022). Ces compétences étant elles-mêmes facilitatrices dans les apprentissages, nous paraissons nous trouver dans une boucle de renforcement des apprentissages moteurs en agissant sur les expériences vécues dans le cadre de l’aisance aquatique.
Un second obstacle aux premières acquisitions dans l’activité natation, notamment chez les plus jeunes élèves, relève de la consolidation des apprentissages et de ses conséquences sur les facteurs de la motivation des élèves dans les activités. Il semble que la proposition d’un apprentissage massé en pré-élémentaire soit, dans le cadre de l’aisance aquatique, une solution permettant de favoriser la vitesse de l’engagement par la réactivation à court terme des ressources motivationnelles et la visibilité de progrès rapide. Il apparaît alors qu’un apprentissage massé permette aux enseignants de gagner du temps d’apprentissage moteur en diminuant le temps utilisé à la nécessité légitime de rassurer les élèves d’une séance à l’autre. Le vécu proche sur le plan temporel d’expériences positives diminuant l’appréhension des jeunes enfants. Il semble toutefois que cette forme massée d’apprentissage puisse être progressivement abandonnée au fil des cycle 2 et 3 pour aller vers un apprentissage distribué favorisant la stabilisation des compétences développées.
Ainsi nous pouvons envisager de mettre en place des « classes bleues ». Ce dispositif pédagogique se caractérise par un apprentissage massé (8 séances en une ou deux semaines), sans matériel et en grande profondeur afin de modifier l’équilibre et les appuis de l’élève (Le plan de prévention des noyades et de développement de l’aisance aquatique).
La mise en place d’une classe bleue peut naître de la volonté des enseignants comme des partenaires professionnels de l’apprentissage de la natation (MNS). Elle peut être également être issue du pilotage pédagogique de l’inspecteur de l’Education nationale de circonscription. Elle doit résulter d’un nécessaire temps préparatoire entres les MNS, les enseignants et le conseiller pédagogique de circonscription en charge de l’enseignement de l’EPS et/ou de la natation ainsi que la collectivité, qui finance l’activité. Il est nécessaire que l’IEN de circonscription valide cette organisation afin qu’un premier temps de concertation à disposition des MNS et des enseignants soit mis en place. Ainsi, il est demandé aux directeurs d’établissements de bain de permettre ces concertations selon les contraintes inhérentes au bon fonctionnement des établissements scolaires. Le cadre du conseil des maîtres semble être un temps pertinent.
Il semble également indispensable de rappeler que les temps de déplacements vers ou au départ de la piscine soient réfléchis afin de contraindre le moins possible l’équipe éducative et les enfants. Les durées ne doivent pas être sous-estimées.
De même, les temps d’habillage et de déshabillages, ainsi que les passages aux toilettes doivent être adaptés aux élèves de cycle 1. Dès l’entrée dans la piscine, bien en amont de l’arrivée au bassin, l’expérience vécue doit être positive afin de créer chez les élèves des conditions favorables d’engagement dans l’activité. Durant ces différents temps, l’élève est déjà en train d’apprendre. Il peut s’agir de méthodes pour devenir plus autonome comme d’une éducation à l’hygiène et au respect du corps de chacun. La découverte des différents lieux de la piscine est primordiale, l’élève doit pouvoir se faire une idée aussi précise que possible du lieu dans lequel il va évoluer au cours de la semaine.
Une formalisation du dispositif pédagogique mis en place semble nécessaire durant ces temps préparatoires. En effet, ce qui peux paraître évident aux PE ne le sera pas forcément pour les MNS et inversement. De même, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) et les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) doivent pouvoir comprendre le dispositif pédagogique pour s’y intégrer pleinement. La co-construction du dispositif pédagogique, prenant en compte les programmes d’EPS, les caractéristiques des élèves et les contraintes spécifiques au milieu, est un facteur déterminant de la qualité de l’expérience vécue par les élèves. L’évaluation des élèves peut être pensée autour de différentes forme de compétences issues de l’objectif d’apprentissage adapter ses équilibres ou ses déplacements à des environnements ou des contraintes variés (BO du 24 juin 2021) mais aussi s’appuyer sur la délivrance de « l’attestation Aisance Aquatique » par les MNS.
Le choix de la période s’avère important également. Une période précoce dans l’année suppose une préparation rapide des élèves et de leurs parents alors qu’une période plus tardive permet de travailler avec les enfants en amont du cycle. De plus les élèves seront plus vieux ce qui a son importance pour les classes de cycle 1. Enfin, pour les CPC, le choix de certaines périodes laissées vacantes par les classes d’élémentaire ainsi que les collèges et les lycées, pourra faciliter la mise en place de planning qui prennent en compte le continuum scolaire de l’apprentissage de la natation. Une mise en garde peut être apportée à propos de périodes hivernales qui pourraient mettre les enseignants en difficultés face aux représentations des parents.
L’espace autour de la piscine d’accueil doit pouvoir être utilisé en cohérence avec le rythme des élèves. Une bibliothèque municipale permet de faire un temps calme avant le repas ou le retour en bus (tout en poursuivant des objectifs de maîtrise de la langue). Une salle des fêtes peut devenir un espace de restauration ou de travail d’une autre discipline, un gymnase un endroit pour permettre la sieste des plus jeunes des élèves. La journée de l’enfant doit être pensée dans sa globalité par les acteurs de la classe bleue, y compris des MNS qui apportent leur expertise sur le niveau de fatigue des élèves après chaque séance.
Enfin, les parents doivent être associés à la mise en place d’une classe bleue, par une information tout d’abord, afin de rassurer les familles. Mais le choix des parents accompagnateurs et intervenants bénévoles agréés s’avère également important. En étant associées au projet, les familles les plus éloignées des activités physiques et de la natation pourront faire évoluer des représentations parfois négatives qui handicapent les élèves dans leurs apprentissages futurs.
En favorisant une forme d’équité des représentations à propos des pratiques sportives, la classe bleue apparaît comme un moyen de développer l’accès à la natation et plus largement aux activités aquatiques. La forme massée permet de favoriser les apprentissages et le développement des compétences des programmes d’EPS chez les plus jeunes tout en offrant un moyen d’optimisation dans la constitution des plannings d’occupation des établissements. Chez les élèves, le vécu d’une expérience positive favorise les apprentissages futurs et notamment la délivrance du Pass’Nautique et de l’attestation du savoir-nager en sécurité avant le cycle 4.